Note : le terme réalité mixte est utilisé ici au sens du continuum « réel-virtuel » de Milgram
La réalité mixte est-elle mature ?
Les promesses des technologies immersives sont nombreuses : immersion totale dans un autre monde, augmentation de la réalité pour une multiplicité d’activités : divertissement, thérapie, formation, sport, aide au travail, etc.
Les illustrations fictionnelles des réalité virtuelle/augmentée/mixte en anticipation au travers de livre et d’œuvres
cinématographiques ont largement contribué à sensibiliser le grand public.
Depuis une dizaine d’années, les périphériques immersifs
se sont démocratisés et ont ouvert le passage de la fiction à la réalité.
La courbe de Hype Cycle de Gartner
Beaucoup d’observateurs utilisent la courbe de « Hype Cycle » de Gartner pour situer la maturité de cette technologie .
La réponse est en réalité complexe. Il est évident qu’on
ne prend pas beaucoup de risques en pariant sur une adoption massive à terme.
La question est plus quand et de quelle façon cette adoption s’opèrera. Et
dépend des usages cibles.
L'innovation itérative
Si on prend l’exemple du métaverse, beaucoup d’observateurs, notamment ceux qui sont partis prenantes, voient régulièrement son avènement à court terme – à tort – Mais en prenant de recul, on peut voir ce sujet comme un serpent de mer cyclique qui revient au fur et à mesure des évolutions technologiques, jusqu’au jour où la technologie sera mature.
A l’instar du metaverse, la réalité virtuelle/mixte peut être vu comme un développement itératif avec plusieurs phases d’excitation, de désillusion puis d’oubli sans une courbe régulière d’adoption larvée et lente. Mais, chaque nouvel entrant sur la courbe peut voir une courbe de Gartner, à subir inéluctablement. Mieux vaut s’interroger sur le cas d’usage, sans doute moins ambitieux que prévu, qui sera suffisamment mature pour une adoption.
A quand une adoption de masse pour la réalité virtuelle ?
L’image de l’immersion complète est séduisante, mais elle repose aussi bien sur les sciences cognitives que sur des avancées technologiques. L’expérience immersive est multisensorielle et il s’agit bien de restituer le corps de l’utilisateur le plus fidèlement possible dans la réalité alternative : il s’agit de l’embodiement. C’est-à-dire que l’utilisateur doit se sentir pleinement incarné dans le monde virtuel pour maximiser son expérience.
Aujourd’hui, les périphériques immersifs accessibles au grand public restituent correctement les inputs de vision, audition et détectent essentiellement les mouvements de têtes, mains et doigts. La proprioception est donc très partielle. Nous ne pouvons malheureusement pas encore revendiquer des expériences similaires à celle du héros de Ready player one. Il y a donc un fossé entre les attentes parfois survendues et la réalité.
Ce qui n’empêche bien entendu pas d’utiliser concrètement ces technologies pour des usages professionnels ou ludiques mais pour le moment relativement ponctuels. Dans le sens ou l’usage est ciblé et restreint. Par exemple pour une session de formation. Les manques immersifs sont aujourd’hui comblés par des métaphores interactionnelles : le déplacement s’opère encore souvent par téléportation ou les collisions non réellement ressentis physiquement se manifesteront par un voile rouge, comme dans les jeux vidéo.
Nous sommes donc dans un espace utile et prometteur mais encore largement améliorable pour une adoption massive.
En deçà d’une course technologique pour immerger plus efficacement l’utilisateur, ou se situe, aujourd’hui la clé d’une adoption efficace de ces technologies ?
Et si la réalité mixte était l'approche la plus universelle ?
La réalité mixte qui combine étroitement le virtuel dans une univers physique réel est peut-être une réponse.
Si au premier abord, l’intégration du réel à l’expérience n’est pas un « plus » évident dans le sens où elle peut nuire à l’immersion. En effet, jouer ou se former avec pour contexte son salon peut difficilement apporter un valeur ajoutée narrative à l’expérience immersive. L’utilisation de l’environnement réel, à défaut d’un grand dépaysement cognitif, garde l’aspect multisensoriel et social de la vie réelle. La stratégie d’exploiter donc les avancées de la réalité mixte peut d’avérer payante pour une adoption plus large.
Plutôt que parier sur une approche Ready player one, proposer une extension de la réalité avec des interactions réelles est un angle d’attaque.
Le "go to market" via la réalité mixte
C’est peut-être avec cette lecture, qu’il faut analyser le go to market d’Apple avec casque Apple Vision Pro. Les usages mis les plus en avant par Apple ne sont pas follement immersifs et loin de là :
Déployer des écrans géants interactifs dans son environnement (salon ou bureau), pour le divertissement relativement passif ou des écrans multiples pour une meilleurs productivité.
Sont relayés au second plan les sujets totalement VR ou nécessitant trop de 3D: jeux immersifs, formation VR, revue de design VR en contexte,…
Ces usages sont relativement stationnaires et se basent de toute façon sur en embodiment naturel puisqu’on perçoit dans ces cas-là notre propre corps.
Même si nous qualifierions plus les early adopter du casque d’Apple de geek fortunés plutôt que « Pro », nous assistons à une stratégie d’approche assez concrète qui contourne les limitations actuelles plutôt que faire de fausses promesses, comme le Metaverse par exemple.
L’immersion que ce soit dans une piscine ou en réalité virtuelle devrait donc se faire progressivement ?